Arrêté du préfet de la Seine sur la construction d'une église et de ses dépendances sur la butte Montmartre

Arrêté du préfet de la Seine sur la construction d’une église et de ses dépendances sur la butte Montmartre, 12 février 1874. Archives de Paris, VM 32-37, supplément n° 30.

Date : 12 février 1874
Thème : Expier les crimes de la Commune ?
Fonds : Préfecture, affaires communales, service des bâtiments publics
Cote : VM 32-37, supplément n° 30

Il est souvent écrit que la basilique du Sacré-Cœur, construite sur la butte Montmartre à l’endroit où commença l’insurrection du 18 mars 1871, fut édifiée pour « expier les crimes de la Commune ». L’affirmation est quelque peu inexacte et mérite d’être nuancée.

La basilique du Sacré-Cœur répond à un vœu national formulé par Hubert de Fleury et Alexandre Legentil en janvier 1871, soit trois mois avant le déclenchement de la Commune. Face aux malheurs connus par la France, qui vient de subir la chute de l’Empire et la défaite de Sedan, il s’agit de faire construire à Paris une église en réparation des fautes du pays. Selon Alexandre Legentil et Hubert de Fleury, la France est coupable de s’être éloignée de l’Église depuis le Moyen Âge. La survenue de la Commune de Paris quelques mois après leur vœu ne fait que confirmer à leurs yeux le diagnostic qu’ils ont posé.

Le vœu d’Hubert de Fleury et Alexandre Legentil ne mentionne pas le lieu envisagé pour implanter l’église. Celui-ci est choisi par l’archevêque de Paris, Joseph Hippolyte Guibert, souhaitant que l’église soit bâtie sur une hauteur, à l’image des basiliques Notre-Dame de Fourvière à Lyon et Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille, construites à la même époque. Il visite les collines de Belleville et de Chaillot, mais son choix s’arrête sur celle de Montmartre, point culminant de Paris, visible en de nombreux endroits.

L’Assemblée nationale, en majorité composée de députés conservateurs, déclare par la loi du 24 juillet 1873 la construction de l’église sur la butte Montmartre d’utilité publique, ce qui donne à l’évêché le droit d’exproprier les propriétaires des terrains sur lesquels est envisagée la construction du monument. La loi ne fait aucune référence à la Commune.

L’association entre le Sacré-Cœur et la Commune est faite dans le discours prononcé par Hubert de Fleury lors de la pose de la première pierre de la basilique en voyant dans le hasard ayant fait se dérouler cette cérémonie à l’endroit où débuta la Commune une sorte de doigt de Dieu.

Du côté des opposants à cette construction, l’association entre le Sacré-Cœur et la Commune n’est pas clairement exprimée. En 1880, un vœu présenté au conseil municipal visant à retirer la loi du 24 juillet 1873 voit dans la basilique une « insulte permanente à l’intelligence et au patriotisme de Paris et de la France, un lieu consacré aux manifestations du fanatisme politique et religieux, une provocation incessante à la guerre civile ». À leurs yeux, la basilique est donc une insulte à la France héritière des Lumières, et pas seulement à la Commune.

Pourtant, peu à peu, les multiples raisons ayant conduit à la construction du Sacré-Cœur se sont réduites dans les mémoires à la seule expiation des crimes de la Commune de Paris. En contrepoint, le square situé en dessous reçut en 2003 le nom de Louise Michel.

Pistes pédagogiques :

  • Étudier le parcours d’Hubert de Fleury et d’Alexandre Legentil.

  • Faire une recherche sur le projet de classement au titre des Monuments historiques du Sacré-Cœur en 2020 : pourquoi la conjonction des dates de la célébration du 150e anniversaire de la Commune et du classement du Sacré Cœur suscite-t-elle une polémique ?

Compléments :