Communards et Versaillais
Avec la fuite du gouvernement à Versailles, ville des rois, Paris, profondément républicaine, perd son statut de capitale de la France. Ce changement est vécu comme un véritable affront par ses habitants, d’autant que les mesures décidées par Adolphe Thiers et l’Assemblée nationale sur le paiement des loyers ou la suppression du solde de la garde nationale ont un effet dévastateur sur les conditions de vie du peuple parisien.
Réaction de Paris face à ce qu’elle considère comme une injustice, la Commune est une concrétisation de son désir de s’administrer librement et de s’ériger comme modèle pour le reste du pays. À Versailles, Thiers et l’assemblée conservatrice restent sourds à ces aspirations et souhaitent mettre au pas définitivement la ville des révolutions.
Il serait pourtant trop simpliste de réduire la situation du printemps 1871 à une opposition entre deux camps. La population parisienne reste divisée entre les partisans de la Commune, les soutiens du « parti de l’ordre », et un tiers parti républicain, constitué de modérés méfiants envers la Commune tout en étant attachés à la République. Ces derniers reprochent à l’assemblée son intransigeance. La participation aux élections du 26 mars, inférieure à 50 % même dans les quartiers les plus populaires, montre que les idées de la Commune ne sont alors pas partagées par l’ensemble des Parisiens.
Avec l’échec des modérés à assurer une médiation entre Versailles et Paris, les deux camps se braquent et le conflit idéologique se transforme en un conflit militaire. Dès le mois d’avril, le gouvernement attaque Paris, défendu par ses gardes nationaux, pour en reprendre le contrôle. Cette hostilité se transpose dans le Paris divisé entre les beaux quartiers, où vivent les partisans de Versailles, et les faubourgs populaires où se concentrent les soutiens de la Commune. Dans les discours, les uns sont renvoyés à la capitulation face à la Prusse tandis que les autres sont assimilés à la pire racaille. Une franche opposition se dessine au sein de la population, si bien que l’expression retenue par Karl Marx pour revenir sur les événements est celle de Guerre civile en France.
Les documents qui suivent reviennent sur les aspects de cette opposition entre Communards et Versaillais en présentant les figures des deux camps, leurs idées, leur organisation, et sur les combats qu’ils se livrèrent entre mars et mai 1871 et même au-delà.