La révolution communale
La Commune trouve ses origines dans la crise politique du Second Empire et dans la défaite militaire face à la Prusse et à ses alliés allemands qui en a précipité la fin. Alors que l’Empire compte encore de nombreux soutiens dans les campagnes, le républicanisme s’enracine, notamment dans les grandes villes. Lors des élections législatives de 1869, les candidats républicains obtiennent 69 % des voix à Paris, qui est alors une ville ouvrière sensible aux idées mises en avant par Léon Gambetta dans son « Programme de Belleville » (séparation de l’Église et de l’État, liberté de la presse, liberté d’association, école gratuite, laïque et promesses de réformes économiques et sociales).
Si les votes des Parisiens montrent leur opposition au régime de Napoléon III, ceux-ci rejettent également le mode d’administration particulier de la capitale. Depuis l’époque moderne, les autorités politiques se sont méfiées de cette ville remuante, capable de déclencher des révolutions. Lors de la Révolution française, la première Commune de Paris administrée au niveau central par un maire et au niveau local par des commissaires, à la tête de sections, a eu une forte influence sur l’Assemblée législative. En conséquence, le Directoire décide en 1795 de dissoudre les sections et de confier les pouvoirs municipaux, fortement réduits, à des maires d’arrondissement, la fonction de maire de Paris étant supprimée.
Par la loi du 28 pluviôse an VIII, Napoléon Bonaparte met Paris sous la tutelle de deux préfets : le préfet de la Seine et le préfet de Police. Les maires d’arrondissement, nommés, n’ont qu’un pouvoir mineur, et aucun conseil municipal n’existe avant 1834.
La situation en 1870 a très peu changé, le conseil municipal n’a que des pouvoirs limités, l’essentiel des pouvoirs municipaux étant exercés par le préfet de la Seine et le préfet de Police.
La reddition de l’armée française à Sedan bien que catastrophique, donne à Paris l’occasion de retrouver son rang. En effet, le 4 septembre 1870, la République est proclamée depuis l’Hôtel de Ville. Le pouvoir est alors confié à un gouvernement de la Défense nationale, se donnant pour but de continuer la guerre contre les états allemands coalisés. Une fonction de maire, confiée à Étienne Arago puis à Jules Ferry, deux républicains modérés, est rétablie.
Mais la guerre continue. Le 19 septembre, commence un blocus de Paris qui durera jusqu’en janvier 1871 alors que s’abat sur la capitale un hiver particulièrement rude. Les Parisien.ne.s résistent, mais subissent la faim et le froid et la misère, le travail se raréfiant. Le gouvernement de la Défense nationale, quant à lui, est incapable d’enrayer la défaite militaire.
Ces événements sont à la source d’une importante mobilisation des Parisien.ne.s, et notamment de ceux appartenant au mouvement populaire. Après le début du blocus de Paris, se forment à l’initiative de l’Association internationale des travailleurs des comités de vigilance dans les 20 arrondissements de la capitale. Chaque comité désigne deux membres pour former le Comité central républicain des vingt arrondissements de Paris, revendiquant la mise en place d’une Commune, comme lors de la Révolution. Le mois d’octobre est ainsi émaillé de manifestations en faveur de l’instauration d’une Commune, notamment après la capitulation de Bazaine à Metz.
Pourtant, les Parisiens répondent « oui » lors du plébiscite les interrogeant sur leur soutien au gouvernement de la Défense nationale, mais leur mécontentement s’accentue au mois de janvier 1871, alors que la défaite face à la Prusse se confirme. Dans la nuit du 5 au 6 janvier 1871, une affiche rouge, placardée dans la ville, déplore l’incapacité du gouvernement de la Défense nationale à accomplir sa mission, et la filiation de cette administration avec celle de l’Empire. Elle se termine par la phrase « Place au Peuple ! Place à la Commune ! ».
Le 28 janvier 1871, le gouvernement demande l’armistice, mesure inacceptable pour les Parisien.ne.s qui ont tenu le siège pendant quatre mois. L’Allemagne annonçant qu’elle ne traitera qu’avec un gouvernement issu d’une assemblée élue, des élections sont organisées le 8 février 1871. Paris élit une majorité de candidats républicains, mais dans l’ensemble du pays les monarchistes, légitimistes et orléanistes représentent la majorité des députés élus. Adolphe Thiers, député conservateur est nommé chef de l’Exécutif. Ses priorités sont de conclure la paix avec l’Allemagne et de percer l’abcès révolutionnaire que représente Paris. De son côté, la ville perçoit comme une véritable provocation le projet de paix, comprenant l’occupation par 30 000 Prussiens d’une partie de Paris, et les décisions de l’Assemblée de s’installer à Versailles, de priver les gardes nationaux de leur solde, ou de suspendre le moratoire sur le paiement des loyers. L’envoi de l’armée par Thiers pour reprendre les canons et les mitrailleuses conservées par la garde nationale sur les hauteurs de Montmartre et de Belleville le 18 mars 1871 agit comme une étincelle, déclenchant une insurrection.
Les documents présentés reviennent sur la formation du mouvement communaliste entre septembre 1870 et mars 1871 ainsi que sur la succession d’événements ayant précédé la proclamation de la Commune de Paris à l’Hôtel de Ville le 28 mars 1871.