Le métro parisien, expression de l'occupation allemande, de la collaboration et de la Résistance
Depuis l’armistice du 22 juin 1940 jusqu’aux combats de la Libération en août 1944, le métropolitain et ses infrastructures accessibles au public sont des lieux extrêmement fréquentés.
Du fait des réquisitions de véhicules, d’essence et de personnel technique, le réseau de surface des bus et tramways subit une baisse de fréquentation rapidement reportée sur le réseau souterrain du métro. Les records de trafic de voyageurs de l’avant-guerre sont battus et pour la première fois le milliard de personnes transportées est atteint en 1941, puis dépassé les trois années suivantes de l’Occupation (1 milliard 300 000 en 1943).
Si le métro devient quasiment le seul mode de transport en commun parisien, il n’en reste pas moins constamment touché par des restrictions d’électricité ayant des répercussions sur les services. Ce lieu de passage et de convoyage massif d’une population composée de civils français et allemands et de membres de l’armée d’occupation se côtoyant quotidiennement, devient un lieu particulièrement surveillé durant l’Occupation.
Lors de l’entrée en guerre, les transports en commun sont dirigés par deux structures distinctes : la STCRP (Société de transport en commun de la région parisienne) pour les transports en surface comprenant les bus, tramways et trolleybus, et la CMP (Compagnie du chemin de fer métropolitain parisien) pour le métro.
Avec la suppression des syndicats, le gouvernement de Vichy réalise sans négociation la fusion des deux réseaux sous tutelle de l’État, supplantant ainsi la ville de Paris et le département de la Seine. Le 1er janvier 1942 (convention du 1er décembre 1941), le réseau entier passe sous l’autorité de la CMP. Dans les faits, leur fonctionnement demeure séparé : la STCRP intègre la « direction du réseau de surface » dirigée par Pierre Mariage, fils d’André Mariage, directeur de la CGO (Compagnie générale des omnibus) depuis 1911 et située 38 quai des Grands-Augustins. La CMP, dirigée par Paul Martin, reste quant à elle localisée quai de la Rapée.
Cette dernière devient rapidement un enjeu de politique de collaboration pour le centre de pouvoir des autorités d’occupation qu’est devenue la capitale occupée. Un conseiller allemand est imposé à la CMP pour faire appliquer les exigences allemandes : le colonel Finck jusqu’en 1941, remplacé ensuite par le conseiller Zachman. Conformément aux accords d’armistice, la compagnie envoie quotidiennement des rapports d’incidents à la préfecture de la Seine qui les transmet à qui de droit.
À travers les fonds d’archives du cabinet de la préfecture de la Seine et de la direction administrative des transports parisiens, on peut etudier les grands moments de l’Occupation : les réquisitions de matériels et de personnels, les politiques d’exclusions des autorités d’occupation et la propagande du régime de Vichy qui s’y trouvent appliquées, ainsi que les expressions sous toutes leurs formes de la Résistance.
Source principale : GÉRÔME, Noëlle (dir.) ; MARGAIRAZ, Michel (dir.). Métro, dépôts, réseaux : Territoires et personnels des transports parisiens au XXe siècle. Paris : Éditions de la Sorbonne, 2002. Archives de Paris, 8° 4000.
Nouvelle édition : http://books.openedition.org/psorbonne/1337
NOTE sur la politique tarifaire du métro. Il est important de rappeler que jusqu’en 1991, les rames de métro comportaient un wagon de première classe. Celui-ci, facilement identifiable, était de couleur différente des autres et situé au milieu de la rame pour plus de sécurité en cas d’accident et équipé de sièges plus confortables. Pour y monter, il fallait faire poinçonner un ticket plus cher, de première classe. Cette précision permet d’appréhender à leur juste valeur les échanges entre les différents interlocuteurs durant la période concernée.
NOTE sur les en-têtes de documents officiels. De nombreuses lettres, notes ou rapports sont écrits sur des feuilles à l’en-tête « République française ». Dans ce contexte, c’est la pénurie de papier, souvent rappelée dans les échanges qui peut expliquer cette utilisation. Cependant, on note que lorsqu’un correspondant allemand utilise ces feuilles, il écrit son texte au dos, afin que cette mention ne soit pas trop apparente. Pour les correspondants français on remarque dans les échanges officiels majoritairement le maintien sans retouche de l’en-tête « République française ». Mais dans certains cas, il est rayé pour écrire à la machine « Etat français ». Il est normal, pour la zone occupée, que très peu de lettres portent l’en-tête imprimé « Etat français ». Lorsqu’il y en a ce sont surtout des documents émanant de nouveaux organes du gouvernement de Vichy : le secrétariat d’Etat à la famille et la santé, l’Instruction publique, la Milice, etc.