19 janvier 1871 : début du rationnement du pain

Carte de boulangerie, février 1871, Archives de Paris, 6AZ 2 dossier 102.

Document : Carte de boulangerie
Date : février 1871
Fonds : fonds privés communaux
Cote : 6AZ 2, dossier 102

Depuis le 19 janvier 1871, le pain est rationné dans Paris, en dépit des promesses formulées hâtivement par le gouvernement de la Défense nationale au début du siège. Quatre mois plus tard, cette nouvelle restriction, bien que nécessaire, s’ajoute à celles qui pèsent déjà sur la viande, le beurre, le bois…, et porte un coup très dur au moral des Parisien.ne.s. Après la seconde défaite à Buzenval, au milieu des rumeurs de capitulation qui enflent et se précisent, la colère monte parmi les populations ouvrières les plus éprouvées et s’étend même au-delà de l’est parisien à d’autres classes sociales. Le mécontentement gronde, comme en témoignent les lettres de réclamation conservées dans le fonds des mairies d’arrondissement, et ce en dépit des mesures supplémentaires destinées à venir en aide aux plus pauvres.

Le premier document, une lettre datée du 3 janvier 1871 adressée au « citoyen maire » du 7e arrondissement, pointe, entre sarcasme et agacement, les passe-droits qui accentuent les dysfonctionnements du système de rationnement. Le second document, également conservé dans le fonds de la mairie du 7e arrondissement mais dont l’origine est inconnue, s’adresse vraisemblablement aux employés chargés de coordonner le rationnement du pain. Il fait état d’une aide supplémentaire accordée « à tout nécessiteux porteur d’un bon de pain », sous la forme de 20 cl de vin. La carte de boulangerie, enfin, démontre que le rationnement perdure bien au-delà de la levée du siège. Comme c’est le cas lors de chaque conflit armé, les privations et les souffrances des populations civiles ne prennent pas fin avec la signature d’un armistice. 

"Paris, le 3 janvier 1871

Monsieur le Maire,

On nous avait promis du beurre et nous n’en avons pas eu nous nous sommes léché les doigts.

Lorsque je suis allée à la boucherie Alline rue de Belle-Chasse pour en chercher l’on m’a dit qu’il n’y en avait plus. Je ne comprends rien, citoyen maire, aux préférences qui se font chaque jour au profit des uns et au détriment des autres dans la distribution des denrées.

Recevez, Monsieur le Maire de ma considération distinguée."

 

"Monsieur,

Une commission a décidé qu’un cinquième de litre de vin serait délivré gratuitement à partir de lundi, dans chaque boulangerie, à tout nécessiteux porteur d’un bon de pain.

En conséquence une pièce de vin sera déposée chez vous aujourd’hui et vous voudrez bien vous munir d’un cinquième et d’un entonnoir. Vous prierez au besoin le marchand de vin le plus près du boulanger de placer cette pièce sur un chantier.

Recevez je vous prie Monsieur mes salutations."

Lettre de réclamation adressée au maire du 7e arrondissement, 3 janvier 1871. Archives de Paris, VD6 1566.

Note d'instructions sur la remise d'un cinquième de vin à un nécessiteux porteur d'un bon de pain, s.d. Archives de Paris, VD6 1566.