19 janvier 1871 : deuxième bataille de Buzenval, dernier espoir militaire français
Document : lettre par ballon monté donnant les détails de la bataille de Buzenval lors du Siège de Paris
Date : 21 janvier 1871
Fonds : fonds privés communaux
Cote : 10AZ 513
Le 18 janvier 1871, le roi de Prusse Guillaume Ier est couronné empereur d’Allemagne dans la galerie des glaces du palais de Versailles. Le lendemain, le général Trochu prend l’initiative d’une seconde sortie en direction de Versailles, sur les communes de Rueil-Malmaison et Garches. Trochu espère ainsi calmer la frange la plus belliciste de la population parisienne, dans un contexte politique déjà très tendu. Cette seconde bataille de Buzenval se solde par une nouvelle défaite, cinglante et sanglante, aux conséquences politiques lourdes : elle exacerbe les dissensions entre les partisans de la paix et ceux de la résistance à outrance, que l’on retrouve majoritairement dans les rangs de la Garde nationale. Deux jours plus tard, le 21 janvier, le général Trochu, qui conserve la présidence du gouvernement de la Défense nationale, quitte ses fonctions de gouverneur militaire de Paris. Ces dernières échoient au général Joseph Vinoy.
La bataille de Buzenval est la dernière tentative du gouvernement pour mettre fin au siège de Paris par les armes. Le même jour dans la capitale, le pain commence à être rationné.
Les Archives de Paris conservent dans les fonds privés la lettre émouvante d’un jeune soldat engagé dans cette bataille à sa sœur Amélie, réfugiée à Spa en Belgique. Elle peut sembler de prime abord difficilement lisible. Cela est dû à la finesse du papier sur laquelle elle est rédigée : cette lettre a en effet été envoyée par ballon, et répond à des contraintes de poids. Pour autant, elle mérite que l’on s’y attarde : le jeune Gaston y narre avec sobriété sa participation « au feu ». En marge de ce récit, il rend compte, entre espoir et désillusion, des conditions de vie rendues difficiles par les nombreuses pénuries, mais aussi de l’entraide qui s’organise pour la survie du groupe. Le ton placide sur lequel il annonce enfin à sa sœur le décès d’une connaissance commune trahit à quel point la mort fait désormais partie du quotidien des Parisien.ne.s assiégé.e.s.
Paris 21 janvier (n°28). Ma chère Amélie, je n’ai pas couru de bien grands dangers à la journée d’avant-hier, qui doit faire époque dans l’histoire du siège de Paris. Sans chercher à me distinguer pour mon premier feu, j’espère avoir agi aussi bien que beaucoup d’autres, et pour la fatigue d’avoir porté mon sac dans les vignes et les champs d’asperges en arrière du Mont Valérien, mes pauvres épaules me rendent témoignage. Tu verras sur une carte détaillée l’endroit où nous avons donné dès 8 heures du matin, jeudi, si tu aperçois le Château de Buzanval [sic], entre Rueil et Garches. Nous ignorions absolument ce qui avait lieu du côté de Montretout (à notre gauche) et du côté de la Bergerie (à notre droite). Mais sans être un grand stratégiste, il était aisé de deviner que notre rôle était secondaire. Une artillerie imperceptible (en dehors du Mont Valérien) nous soutenait, et on n’a jamais songé à dépasser de beaucoup le mur du Château de Buzanval. Au-delà, ce sont des pentes boisées où l’ennemi se cache avec l’astuce qu’on sait. Dès 3 heures, notre rôle était fini. La mobile du Loiret et un peu de ligne ont fait le coup de feu comme à la parade, et, à la nuit je rentrais avec mon capitaine, avec M. Berryer, et cinquante autres, à Neuilly, où nous avions eu un gîte de courte durée l’autre nuit. Hier, à onze heures du matin, on a repris le chemin de Paris, mais que ces défilés de troupes sont longs et fatigants. Il était 5h ½ quand j’ai sonné au logis. J’y ai trouvé nombreuse société, Charles ayant accepté mon offre pour tous les siens : Joseph et Titon sont venus, un peu émus l’un et l’autre. Chacun apporte son pain à dîner. Charles même a apporté du bois, et va courageusement passer plusieurs heures à Plaisance chaque jour, malgré les obus. Les nouvelles de l’armée de Chanzy et le rationnement du pain étaient les conversations du jour, autant que la journée de jeudi. On a vraiment le vertige quand on rédige les bulletins militaires. Il semble que la plus humble surnuméraire s’y emploierait mieux. Espérons encore que la Providence ne nous a pas condamnés à voir le Prussien à Paris et que l’effort surhumain comme dit Mgr Darboy, ne nous sera pas refusé.
La veuve de M. Delapalme est décédée ces jours-ci.
Le papier est si fin que je craindrais de rendre la suscription illisible si je ne m’arrêtais ; embrassant Papa de tout cour [sic]. Ton frère affectionné, Gaston.
Cam. de Baulny sort d’ici. Il monte la garde (comme Jules) au point du jour, poste fort dangereux.