12 novembre 1870 : les ballons du Siège de Paris
Document : communiqué du gouvernement de la Défense nationale concernant le Daguerre, ayant quitté Paris le 12 novembre 1870
Date : décembre 1870
Fonds : administration communale, mairie du 2e arrondissement
Cote : VD6 971
Coupés du monde extérieur pendant 5 mois, les Parisien.nes assiégé.es ont dû faire preuve d’ingéniosité pour maintenir les communications avec la province et l’étranger. À partir du 19 septembre, les voies terrestres et fluviales sont barrées par l’ennemi prussien, et les liaisons télégraphiques coupées. Nous évoquions déjà le recours aux pigeons, aux boules de Moulins et aux ballons. Inventés par les frères Montgolfier en 1783 et déjà employés pendant la Révolution, les ballons sont utilisés dès les premiers jours du siège : le 23 septembre, le Neptune s’envole depuis Montmartre, chargé de missives officielles et du courrier personnel des Parisien.nes. Le second décolle deux jours plus tard : il emporte à son bord 300 kg de dépêches et 3 pigeons de la société colombophile L’Espérance. Grâce au retour des pigeons, le directeur des postes et les membres du gouvernement de la défense nationale sont informés que le procédé fonctionne. Les ballons du Siège de Paris sont gonflés avec le gaz d’éclairage. Ils ne sont bien sûr pas infaillibles. Tributaires des éléments et des conditions atmosphériques, certaines traversées se révèlent très dangereuses. D’autres n’aboutissent pas ou atterrissent sur les lignes ennemis.
Dans le même temps, le directeur des postes et les membres de L’Espérance collaborent pour développer l’envoi de courrier par pigeons messagers, mais ces derniers ne peuvent transporter plus d’un gramme attaché à leurs plumes, sous peine d’entraver leur vol. C’est la photographie qui procure la solution à ce problème de poids. Dans un premier temps, le chimiste Charles-Louis-Arthur Barreswil (1817-1870) a l’idée d’employer un procédé photographique pour réduire la taille d’écriture des dépêches. Celles-ci sont ensuite déchiffrées avec un microscope. Puis, le 12 novembre 1870, deux ballons quittent Paris, justement nommés le Daguerre et le Niepce, en hommage aux deux pionniers français de la photographie. Si le Daguerre atterrit en catastrophe sur les lignes prussiennes, à seulement 42 km de Paris, le Niepce, lui, parcourt 196 km avant de se poser à Coole, dans la Marne. À son bord, plus de 600 kg d’équipement de laboratoire et un certain René Dagron (1819-1900). Ce photographe et inventeur sarthois développe une technique de photographie microscopique pour l’impression de textes sur des feuilles de collodion, beaucoup plus minces que le papier ordinaire. Il est dès lors possible de concentrer sur un demi-gramme quelques 50 000 dépêches ! Utilisant sa méthode pour le courrier officiel comme pour les missives personnelles, Dagron va ainsi permettre l’envoi de quelques 115 000 lettres et dépêches. Pour autant, sur les 365 pigeons emmenés par ballon et renvoyés vers la capitale pendant la durée du siège, seuls 57 atteindront leur but, arrivant parfois à destination après un important délai. Les dépêches sont à cet effet numérotées dans l’ordre chronologique de leur émission.
Tombés aux mains des Prussiens, les pigeons qui se trouvaient à bord du Daguerre vont servir à une tentative de désinformation de la part de l’ennemi. Deux d’entre eux reviennent en effet à Paris début décembre, annonçant des défaites françaises et l’acclamation des armées prussiennes par la population rurale. Mais ces billets ne trompent personne : ils sont rédigés dans un français aux accents germaniques et l’une d’elle, supposément en provenance de Rouen, porte la signature contrefaite d’André Lavertujon, alors même que celui-ci est en poste à Paris… Pour autant, cette opération infructueuse démontre l’importance des liaisons entre Paris et le reste du monde, que ce soit militairement ou pour maintenir le moral de la population et sa capacité à la résistance.
Les Archives de Paris conservent dans le fonds des mairies d’arrondissement les copies conformes de ces dépêches officielles contenant les rapports militaires. Après avoir été réceptionnées par les employés des postes et examinées par les services compétents du gouvernement, elles étaient en effet transmises aux maires d’arrondissement qui devaient à leur tour informer la population.