Jugement de deux jeunes Parisiennes pour "propos alarmistes", 1918

Jugement de deux jeunes Parisiennes pour "propos alarmistes", 1918. Archvies de Paris, D2U6 203

Réquisitoire définitif

Date : 9 avril 1918
Thème : censure, propos alarmistes, justice
Cote : D2U6 203

Ce réquisitoire met en lumière la censure de la parole dans les lieux publics. Deux jeunes femmes de 22 et 23 ans, couturière et mannequin? qui déjeunent au restaurant, dans le quartier Montparnasse, discutent et parlent fort en remettant en question l’existence des canons à très longue portée qui bombardent Paris.

C’est un militaire, chef du secrétariat particulier du ministre du blocus qui va les dénoncer et les faire arrêter. Des témoins sont aussi entendus et affirment que ces jeunes femmes parlaient de façon à ce que tout le monde entende cette partie de conversation. Pendant les bombardements de la capitale par les canons à longue portée, les Parisiens se questionnent quant à réalité de ces canons : cela revient à être en infraction avec la loi du 5 avril 1914.

Les deux jeunes femmes sont arrêtées et détenues à la prison de Saint-Lazare, le 26 mars. Elles reconnaissent les faits en plaidant qu’elles parlaient sans savoir.  Elles seront jugées devant le tribunal de première instance le 11 avril 1918 et condamnées à trois semaines de prison.

Transcription

« Le 26 mars 1918, le capitaine M., chef du secrétariat particulier du ministre du Blocus se trouvait au restaurant Portelier lorsqu’il entendit les nommées A. et B. dire à haute voix : « Les Français aident tout le monde, les Italiens, les Russes, les Anglais qui en définitive se moquent d’eux ».
Puis parlant du canon qui tirait sur Paris, elles ajoutèrent : « Nous n’y croyons pas. Le front Français doit être percé en un ou plusieurs endroits. Les Allemands par les trouées peuvent bombarder Paris à leur aise. D’ici peu, les Boches seront peut-être ici et on se fera entretenir par un Boche ».
Ces propos ayant été proférés publiquement et concernant des renseignements relatifs aux opérations militaires autres que ceux communiqués par le commandement et de nature à exercer une influence fâcheuse sur l’esprit des populations, tombent sous l’application de la loi du 5 avril 1914 »

Pistes pédagogiques

  • Faire relever les faits présentés : parler du canon, dire que le front est percé, etc.
  • Analyser en quoi ces faits sont passibles de sanctions d’après le décret du 5 août 1914.
  • Précisez comment elles ont été arrêtées.
  • Confronter ce document avec les autres portant les mêmes motifs d’accusation.

Complément

Loi du 5 août 1914 sur les indiscrétions de la presse en temps de guerre (Journal officiel 6 août 1914)

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6521340t/f7.image